Le diagnostic comme interface privilégiée entre problèmes de santé mentale et problèmes de société contemporains.
3 juin 2023, de 14h à 15h30
Marcelo Otero
Animation: Martin St-André
Plénière (90 min)
Salle de Bal
Marcelo Otero est professeur titulaire au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal et chercheur au CREMIS (Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales, les discriminations et les pratiques alternatives de citoyenneté). Ses projets de recherche portent sur les nouveaux problèmes sociaux et de santé mentale ainsi que les formes d’individualité et de normativité contemporaines. Il a publié notamment Les règles de l’individualité contemporaine (PUL, 2003), Le médicament au cœur de la socialité contemporaine (avec J. Collin) (PUQ, 2007), L’ombre portée: l’individualité à l’épreuve de la dépression (Boréal, 2012), Qu’est-ce qu’un problème social aujourd’hui? (avec S. Roy) (PUQ, 2013), Les fous dans la cité (Boréal, 2016), L’institution éventrée : de la socialisation à l’individuation (PUQ, 2017) et Foucault sociologue : critique de la raison impure (PUQ, 2021).
Nulle personne déprimée, anxieuse ou psychotique n’existent « en soi » en ce sens qu’une dimension essentielle de ce qui désignent ces catégories est foncièrement sociale. À qui et pourquoi les personnes anxieuses ou déprimées posent problème ? Pourquoi il y en a autant aujourd’hui ? En effet, la nature « problématique » d’un comportement, phénomène ou attitude désignés comme problème de santé mentale est une dimension « opaque » pour la psychiatrie, en ce sens qu’elle ne peut (pas plus qu’elle n’en a d’ailleurs besoin) expliquer pourquoi le fait d’être anxio-déprimé est socialement problématique, ou encore pourquoi leur prévalence augmente. C’est la société qui le fait à sa place et lui impose, nous impose à tous et toutes, cette dimension.
En revanche, la nature proprement « pathologique » d’un comportement social désigné comme problème de santé mentale constitue la dimension « spécifique » que la psychiatrie discute, définit, explique et mesure. Les techniques scientifiques qui se consacrent à cerner le « mental pathologique » permettent de trouver un terrain à la fois ontologique et symbolique (cerveau, neurotransmetteurs, gènes, humeurs, stresseurs, déclencheurs, traits de personnalité, signes avant-coureurs, etc.) où l’on peut maîtriser le phénomène diagnostiqué, défini comme problème de santé mentale, en se concentrant sur certaines dimensions plutôt que d’autres. Le diagnostic joue un rôle central dans ce processus de saisissement de ce qui pose un problème à la personne concernée et aux autres. Ainsi, l’incongru social, l’incompréhensible, l’inexplicable (délires, pensées suicidaires, certaines formes de violence, absence de motivation, peurs sans motifs apparents, etc.) deviennent significatifs, mesurables, intelligibles mais sans que le flou entre « déviance » (dimension sociétale) et « pathologie » (dimension psychiatrique) ne soit dissipé.
Si on accepte qu’il n’y a pas de problèmes de santé mentale sans un arrière-plan sociétal la psychiatrie et la sociologie semblent condamnées à dialoguer. Dans ce processus, le diagnostic est une passerelle idéale pour un dialogue fécond et constructif sur la nature et la prévalence des problèmes de santé mentale contemporains.
3 objectifs :
- Comprendre le rôle d’interface qui joue le diagnostic entre les problèmes de santé mentale et les problèmes sociaux.
- Explorer les manières possibles de collaboration entre psychiatrie et sciences sociales dans la compréhension des prévalences de certains problèmes de santé mentale, notamment les anxio-dépressions, et les formes de s’y attaquer.
- Comprendre pourquoi le nombre de diagnostics ne cesse de se multiplier depuis la parution du DSM I (1952) jusqu’à aujourd’hui.
« Marcelo Otero, Professeur titulaire UQAM »
Marcelo Otero est professeur titulaire au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal et chercheur au CREMIS (Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales, les discriminations et les pratiques alternatives de citoyenneté). Ses projets de recherche portent sur les nouveaux problèmes sociaux et de santé mentale ainsi que les formes d’individualité et de normativité contemporaines. Il a publié notamment Les règles de l’individualité contemporaine (PUL, 2003), Le médicament au cœur de la socialité contemporaine (avec J. Collin) (PUQ, 2007), L’ombre portée: l’individualité à l’épreuve de la dépression (Boréal, 2012), Qu’est-ce qu’un problème social aujourd’hui? (avec S. Roy) (PUQ, 2013), Les fous dans la cité (Boréal, 2016), L’institution éventrée : de la socialisation à l’individuation (PUQ, 2017) et Foucault sociologue : critique de la raison impure (PUQ, 2021).